P.P.P. NAPOLI FR/ENG

 Pier Paolo Pasolini est né à Bologne, le 5 mars 1922, il y a cent ans.
Julie Coulon le découvre par la lecture de son scénario inachevé La Nébuleuse, une image de la fin de l’adolescence dont la modernité la frappe. Dès lors, ses œuvres feront partie de celles qui bouleversent sa vie. Elle se plonge dans ses écrits, découvrant une toile opaque dont les fils méticuleusement tissés n’éclaircissent pas le mystère. Elle dé- cline son obsession en images-prières, pensées pour Pier Paolo Pasolini.
Les imprégnant de sa perception, revendiquée féminine, questionnant un certain rap- port au regard, au désir et au geste photographique, elle prolonge l’idée d’un female gaze (Iris Brey1) et s’affirme dans la posture d’une artiste femme face à un sujet qu’elle choisit profondément masculin.
Mises en scènes rudimentaires parfois absentes, les images se lient au prisme pasolinien par des esthétiques fortes : les marches d’églises, une éclaboussure de sang sur le visage, une moto italienne... Les images-hommages deviennent prophétiques et l’amènent à rencontrer le comédien Marc Plas.
Sa ressemblance troublante avec le réalisateur la fascine : la coïncidence est trop belle pour qu’on y croit, trop frappante pour l’ignorer. La jeune artiste, déjà éprise de la thé- matique du double, invite alors Marc Plas à devenir Pier Paolo Pasolini, à le faire revivre pour combler le manque que sa mort soudaine aurait creusé. Le premier portrait pa- solinien par Julie Coulon sera daté de 1980, quelques années après la mort du cinéaste, comme pour effacer cet accident terrible. Conjurer le drame, immortaliser Pasolini au sens propre, telle est la quête de la jeune photographe, qui se rend jusqu’à Naples pour l’accomplir.
Là, dans cette ville qui semble figée dans le temps, au bord du Palazzo inachevé de Donn’Anna, hanté par les fêtes décadentes qu’il aurait accueilli, sur la plage, là peut se (re)jouer la mort de l’icône que Julie Coulon laisse délibérément en vie.


Jeanne Burin des Roziers


1 Iris Brey, Le regard féminin, une révolution à l’écran, Editions de l’Olivier, 250 p

Pier Pasolini was born in Bologna on March 5th, 1922, 100 years ago. 

Julie Coulon discovered him by reading his unfinished screenplay La Nébuleuse, a picture of late adolescence whose modernity struck her. From that point, his works numbered among those which changed her life. She immersed herself in his writings, discovering an opaque canvas whose meticulously woven threads do not clarify their mystery. She develops her obsession through multiplicitous images dedicated to Pier Paolo Pasolini.

Impregnating these images with her decidedly feminine perspective, interrogating a certain relationship to the gaze, to desire and to the photographic gesture, she extends the notion of a female gaze and asserts herself as a female artist facing a consciously chosen, decidedly masculine subject.

Sometimes missing the minimal mise en scènes, the images are linked to the Pasolinian prism in their rich aesthetic: the steps of churches, a blood-splattered face, an Italian motorcycle... The photographic tributes become prophetic and lead us to meet the actor Marc Plas.

His uncanny resemblance to the director fascinates her: the coincidence is too good to believe, too striking to ignore. The young artist, already infatuated with the subject of the double, invites Marc Plas to become Pier Paolo Pasolini, to bring him back to life to fill the gap left by his sudden death. The first Pasolini portrait by Julie Coulon will be dated 1980, a few years after the death of the filmmaker, as if to erase this terrible accident. Conjuring up the drama and literally immortalizing Pasolini drives the young photographer all the way to Naples.

There, in a city that seems frozen in time, on the edge of Donn'Anna's unfinished Palazzo, haunted by the decadent parties that would have taken place there, on the beach, there we can replay the death of the icon that Julie Coulon deliberately depicted alive.

Jeanne Burin des Roziers TRANSLATED BY STELLA SAPPINGTON