Pasolini - Napoli 2021

« La coïncidence est trop belle pour qu’on y croit, trop frappante pour l’ignorer. La jeune artiste, déjà éprise de la thématique du double, invite alors Marc Plas à devenir Pier Paolo Pasolini, à le faire revivre pour combler le manque que sa mort soudaine aurait creusé »
— Jeanne Burin des Roziers

  Pier Paolo Pasolini est né à Bologne, le 5 mars 1922, il y a cent ans.
Julie Coulon le découvre par la lecture de son scénario inachevé La Nébuleuse, une image de la fin de l’adolescence dont la modernité la frappe. Dès lors, ses œuvres feront partie de celles qui bouleversent sa vie. Elle se plonge dans ses écrits, découvrant une toile opaque dont les fils méticuleusement tissés n’éclaircissent pas le mystère. Elle décline son obsession en images-prières, pensées pour Pier Paolo Pasolini.
Les imprégnant de sa perception, revendiquée féminine, questionnant un certain rapport au regard, au désir et au geste photographique, elle prolonge l’idée d’un female gaze (Iris Brey1) et s’affirme dans la posture d’une artiste femme face à un sujet qu’elle choisit profondément masculin.
Mises en scènes rudimentaires parfois absentes, les images se lient au prisme pasolinien par des esthétiques fortes : les marches d’églises, une éclaboussure de sang sur le visage, une moto italienne... Les images-hommages deviennent prophétiques et l’amènent à rencontrer le comédien Marc Plas.
Sa ressemblance troublante avec le réalisateur la fascine : la coïncidence est trop belle pour qu’on y croit, trop frappante pour l’ignorer. La jeune artiste, déjà éprise de la thématique du double, invite alors Marc Plas à devenir Pier Paolo Pasolini, à le faire revivre pour combler le manque que sa mort soudaine aurait creusé. Le premier portrait pa- solinien par Julie Coulon sera daté de 1980, quelques années après la mort du cinéaste, comme pour effacer cet accident terrible. Conjurer le drame, immortaliser Pasolini au sens propre, telle est la quête de la jeune photographe, qui se rend jusqu’à Naples pour l’accomplir.
Là, dans cette ville qui semble figée dans le temps, au bord du Palazzo inachevé de Donn’Anna, hanté par les fêtes décadentes qu’il aurait accueilli, sur la plage, là peut se (re)jouer la mort de l’icône que Julie Coulon laisse délibérément en vie.


Jeanne Burin des Roziers