Dans un élan amoureux, deux figures s’offrent à nous, cachés sous les ombres dorées et changeantes d’un tunnel infini. Blottis dans un reflet de rétroviseur, leurs visages
ne font plus qu’un et la dualité se transforme alors, sous nos yeux, en entité fusionnée. Présenté comme un jeu de miroir où les plans s’alternent et se répondent par un face à face, le baiser nous apparaît comme le motif même du double.
Julie Coulon, dans sa pièce Kissing in a Cabriolet, explore cet espace mince et dense duquel naît la tension : le flottement lourd de la confrontation avant qu’elle n’éclate. L’al- ternance incessante de l’ombre et de la lumière nous évoque ainsi une urgence,
un danger, la fuite sur une route sans fin. Le temps s’étire ad nauseam et nous immo- bilise le temps d’un baiser qui s’éternise. Ce temps fictif de la subjectivité se joue de nos représentations collectives et questionne ce que serait “le baiser de cinéma”. Une blonde hitchcockienne noyée dans les bras d’un jeune premier aux cheveux plaqués, un cabriolet rouge fendant la route dans la nuit, un clair obscur de plateau de tournage - dont on aperçoit le contrechamps dans le reflet du pare-brise.
Témoignant d’une approche de la fiction par le réel, Julie Coulon, pour cette installa- tion vidéo, travaille avec Martin Depalle et Pauline de Fontgalland, couple d’artistes dont le baiser ainsi immortalisé questionne la frontière entre image et fiction. Nous ne sommes pas devant une simple mise en scène, l’artiste fait le choix de deux modèles amoureux dont le rôle serait alors leur propre personne, troublant les contours d’un simple jeu d’imitations, et de direction d’acteur. L'œuvre se révèle ainsi comme une immersion moite et douce auprès d’un couple dont on partagerait un instant volé.
L’observateur se transforme ainsi en voyeur impudique, portant son regard, malgré lui, sur une réelle intimité. La sensualité devient gênante, la langueur devient malaise, et la vidéo continue de tourner, jusqu’à temps que la mélancolie reprenne le dessus. Il y a là, à la lisière de ce « baiser de cinéma » et de la confrontation à notre propre regard inva- sif, quelque chose de l’ordre du rêve inavouable.
Kissing in a Cabriolet propose ainsi une rencontre qui se mue en affrontement et nous laisse en suspens, comme la fin d’un baiser.
Jeanne Burin des Roziers
In a romantic gesture, two figures hidden under gilded and variable shadows in an infinite tunnel. Huddled in the reflection of the rearview mirror, their faces become one before our eyes as we trade duality for a fusional singularity. Like a mirror game in which shots alternate and respond to one another, the kiss emerges as the very symbol of the double.
Julie Coulon, in her show “Kissing in a Cabriolet,” explores this narrow and dense space which gives birth to apprehension: the palpable tension in an encounter before it is broken. The constant exchange of shadow and light also inspires a sense of urgency, danger, escape on an endless road. Time extends ad nauseam and preserves the moment of a kiss into eternity. The fictive, subjective time plays with our collective imaginary and questions what defines the “movie kiss.” A Hitchcock-ian blonde drowning in the arms of a young leading man with braided hair, a red convertible splits a road shrouded in darkness, a chiaroscuro of a film set – the background of which is visible in the reflection of the windshield.
Witnessing the encounter between fiction and reality, Julie Coulon worked with an artist-couple for this video installation, Pauline de Fontgalland and Martin Depalle, whose kiss here immortalized also interrogates the border between image and fiction. We do not find ourselves before a simple “mise-en-scène.” Rather, the artist selected two models in love who play themselves, troubling the constructs of mimicry and acting direction. The work thus emerges as an intimate and visceral introduction to a couple sharing a stolen moment.
The observer becomes an unabashed voyeur on to the scene of veritable intimacy. The sensuality rebukes us, its extended nature more and more off-putting as the video plays until subsumed in melancholy. It is therein, on the precipice of this “movie kiss,” and in confrontation with the viewer’s invasive gaze, something in the order of an inexplicable dream.
“Kissing in a Cabriolet” presents an encounter which evolves into confrontation and ultimately leaves the viewer in suspense as would the end of a kiss.
Jeanne Burin des Roziers TRANSLATED BY STELLA SAPPINGTON